Peu d’entreprises se sont saisies de la possibilité d’abonder le compte personnel de formation de leurs salariés. Petite révolution culturelle, cette approche d’un parcours co-financé et co-construit répond à des enjeux financiers, managériaux et de développement des compétences. La réussite de cette nouvelle étape de la vie du CPF sera déterminante pour l’installer de façon pérenne dans l’écosystème de la formation.
Par Catherine Trocquemé – Le 11 février 2022.
Trois ans après la réforme de 2018, les entreprises n’ont toujours pas apprivoisé le CPF désintermédié et à la seule main des salariés. Au 30 octobre 2021, à peine 6 000 employeurs avaient initié des dotations pour un montant de 49 millions d’euros [ 1 ] Très attendu, leur engagement dans les démarches de co-construction ouvrirait une nouvelle étape du CPF, l’orientant vers des parcours plus professionnalisants. Selon la Caisse des dépôts et consignations (CDC), le co-financement multiplie ainsi par 3 la part des formations diplômantes et par 10 la durée moyenne de formation. « Le CPF est à la fois populaire et mal connu. Il n’est pas encore maîtrisé dans toutes ses opportunités. Les abondements permettent pourtant de réconcilier l’intérêt individuel et l’intérêt de l’entreprise », affirme Antoine Foucher, fondateur et président de Quintet conseil, invité au webinaire organisé par 1to1Progress le 3 février dernier. L’ex-directeur de cabinet de Muriel Pénicaud voit dans les démarches de co-construction un outil performant de gestion des ressources humaines, un levier d’engagement des salariés et une brique de l’ingénierie financière.
Un déploiement prudent
Sur le terrain, les entreprises ne semblent pas convaincues. Certes des projets se sont concrétisés en 2021. Ils restent toutefois à l’initiative de grands groupes dans lesquels le dialogue social avait déjà gagné sa place en matière de formation. Par ailleurs, leur déploiement reste prudent à un moment où chacun, salarié et employeur, cherche encore ses marques. L’accord négocié chez Capgemini prévoit un abondement de 1 000 euros en complément des frais pédagogiques sur toutes les certifications professionnelles dans une enveloppe à hauteur de 0,1% de la masse salariale. « Ce premier pas permet d’expérimenter de nouvelles relations avec les salariés sur le sujet de la formation », précise Franck Baillet, son responsable formation. L’accord de Schneider Electric flèche son abondement en fonction des profils en finançant l’intégralité du reste à charge des salariés dont le niveau est infra bac et à plus de 50 % pour ceux qui ont un niveau supérieur au bac.
Des freins culturels
Les freins sont de plusieurs ordres. Les parties prenantes ont besoin de s’approprier ce dispositif. L’information des salariés doit être renforcée à l’occasion des entretiens professionnels comme le proposent les députés dans leur rapport d’évaluation de la loi » Avenir professionnel ». Les employeurs doivent, eux aussi, monter en compétences sur les différentes possibilités d’abondements et leur ingénierie. D’autres résistances sont plus culturelles. Les entreprises ne digèrent toujours pas les nouvelles règles de mutualisation portées par la réforme de 2018 et la totale maîtrise par les salariés de leur CPF. « Il faut redonner la main aux entreprises et ne pas créer des dispositifs comme si les salariés voulaient se former en dehors de l’entreprise », avance Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH. Un discours repris par le Medef dans ses propositions aux candidats à la présidentielle.